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 10 découvertes de l'année : Le troisième oeil

Une équipe de l'École polytechnique de Montréal met au point un oeil électronique qui n'a besoin ni de la rétine ni du nerf optique.
Par Mathilde Regnault


S'adresser directement au cortex visuel, en ignorant la rétine et le nerf optique, telle est l'idée de Mohamad Sawan, professeur à l'École polytechnique de Montréal, pour rendre la vue aux personnes souffrant de cécité. Son équipe, qui a commencé ses travaux en 1994, achève la mise au point d'un oeil électronique.

« Le principe d'un oeil électronique est relativement simple, explique Mohamad Sawan dans son laboratoire exigu bourré de composants électroniques. On connaît aujourd'hui la zone du cerveau qui analyse les données transmises par les yeux pour en faire des images. Il suffit de remplacer l'oeil déficient par une caméra, et de ne pas tenir compte du nerf optique pour apporter les informations au cortex visuel. » La puce s'adresse directement aux neurones, en leur fournissant les signaux qu'ils reçoivent en temps normal grâce au nerf optique.

Exemple de la définition d'image transmise via l'implant.

Exemple de la définition d'image 
transmise via l'implant.

La caméra qui remplace l'oeil humain est reliée à une plaque couverte d'électrodes, qui s'allument et s'éteignent en fonction des données reçues. Sur l'écran de l'ordinateur de contrôle, deux images : la vraie, et celle que pourrait voir un aveugle muni de cet équipement. Le dessin est plus grossier et les couleurs n'apparaissent pas, mais l'image est bien là.


En juillet dernier, une équipe de chercheurs américains avait elle aussi présenté un premier modèle « d'oeil électronique », un système de caméra relié directement au cerveau par des câbles électriques. Le prototype américain avait permis à un aveugle de retrouver une partie de la vue.

Mais le prototype de Mohamad Sawan va plus loin. D'abord, l'image est plus précise : la puce, implantée directement dans le cortex, comporte quelques 625 points lumineux, répartis sur un cm2. Ensuite, l'équipe montréalaise a trouvé comment se passer des fils visibles qui assurent la communication entre la caméra (l'oeil) et la puce électronique qui transmet les informations au cortex. La clef : les ondes électromagnétiques.

Trois approches différentes ont motivé le développement d'un oeil artificiel. Alors que certains chercheurs travaillent sur le nerf optique, d'autres tentent de reproduire des rétines pour rendre la vue. Dans ces deux cas, il faut que le nerf optique soit en état de fonctionner. Or, on estime qu'après six ans d'inactivité, ce dernier est complètement mort. Ces techniques intéressent donc uniquement les patients dont les organes sont encore en état de fonctionner, et qui ont perdu la vue il y a peu de temps. La troisième approche tente de relier directement le cerveau au système de vision artificielle, en court-circuitant le nerf optique en quelque sorte.

« L'intérêt de notre technique, dit Mohamad Sawan, c'est qu'elle peut servir à tous les non-voyants, même aux aveugles de naissance. »

Son équipe vient de s'associer à l'Institut neurologique de Montréal, à l'Université McGill, pour passer à la phase d'essais cliniques. Pour effectuer les premiers tests, elle utilisera des singes auxquels on aura bandé les yeux (pas besoin d'en trouver des aveugles !). « Le singe est un animal intelligent, explique Mohamad Sawan. En lui apprenant à réagir à la vue de certaines formes, il sera facile de vérifier s'il voit ou non. »

Il restera ensuite à miniaturiser le système et d'ici une dizaine d'années au plus tard, pense le professeur, il sera possible de rendre la vue aux aveugles. Une perspective qui en réjouit plus d'un : on estime à 20 000 le nombre de non-voyants au Québec. Ils sont 500 000 en Amérique du Nord.

Ce texte est tiré du Magazine Québec Science.
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